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LIONEL STOFFEL A TROUVEÌ SA VOIX

AÌ€ 25 ans, Lionel Stoffel a deÌ jaÌ€ un long parcours de chanteur lyrique. Sa voix de sopraniste surprend et ravit. En plus de son art, il cultive un don remarquable : celui de partager sa passion avec amour.

DeÌ€s sa petite enfance, Lionel Stoffel aime chanter. Il en est suÌ‚r, il en fera son meÌ tier. Cette certitude lui saute au coeur en entendant une chanson du film Titanic. On est dans le registre de la vocation, avec un eÌ veÌ nement deÌ clencheur, une sorte de lumieÌ€re et une foi absolue. Ses parents, dont aucun des deux ne provient du milieu artistique, perçoivent cette passion et la soutiennent.

Le jeune Lionel suit alors des cours priveÌ s de chant et de piano. TreÌ€s vite, il est repeÌ reÌ alors qu’il chante Mexico, un air populaire d’opeÌ rette. Sa voix, meÌ‚me avant de muer, est juste et puissante pour monter dans les aigus. AÌ€ l’aÌ‚ge adulte, il continuera aÌ€ chanter haut, tout en parlant avec une voix grave. Il est sopraniste, une tessiture treÌ€s rare : il n’y en aurait qu’une dizaine dans le monde. En langage simple, on dira qu’il chante plus haut que le teÌ nor et que sa voix est comparable au soprano feÌ minin.

CHAPELLE MUSICALE REINE EÌ LISABETH.

AÌ€ douze ans, il rencontre France Edmond, laureÌ ate en chant au ceÌ leÌ€bre concours Reine EÌ lisabeth. « En plus d’eÌ‚tre un excellent professeur, France Edmond est une personnaliteÌ sensible et riche. Elle m’a appris son savoir, les bases du chant lyrique. Son contact a deÌ termineÌ la suite de ma vie artistique », confie-t-il. ApreÌ€s la troisieÌ€me anneÌ e de secondaire, ses parents, conscients de son don extraordinaire, lui proposent de continuer sa scolariteÌ aÌ€ l’AcadeÌ mie de Waterloo ouÌ€ il pourra poursuivre une formation intellectuelle geÌ neÌ rale et des cours speÌ cifiques, suivant ainsi sa passion.

En paralleÌ€le, il reÌ ussit l’examen d’entreÌ e aÌ€ Chapelle Musicale Reine EÌ lisabeth ouÌ€ il inteÌ€gre un cycle d’un an pour jeunes candidats. « Une anneÌ e meneÌ e aÌ€ –˜double vitesse’ ouÌ€ j’ai coÌ‚toyeÌ de grands chanteurs et musiciens comme JoseÌ van Dam, Abdel Rahman El Bacha ou Arie van Lysebeth... Ma chance a eÌ teÌ immense », reconnaiÌ‚t le jeune homme.

Ensuite tout s’enchaiÌ‚ne : l’entreÌ e comme jeune talent au
Conservatoire de Bruxelles, les concerts, la participation à des
eÌ veÌ nements publics et teÌ leÌ viseÌ s, le gala annuel, la notorieÌ teÌ ... Pour
le jeune chanteur, la vie se deÌ roule en acceÌ leÌ reÌ , atypique, surprenante. « Et risqueÌ e aussi, preÌ cise-t-il, parce qu’aÌ€ seize ans, on n’est pas armeÌ pour eÌ voluer dans un monde d’adultes ouÌ€ il faut souvent se battre pour exister. Pourtant, je n’ai pas de regret et ne retiens que les rencontres avec des gens bien qui m’ont tendu la main. »

CONFIANCE ET TEÌ‚TE FROIDE.

Depuis l’aÌ‚ge de dix-sept ans, Lionel organise son propre concert et met toute son eÌ nergie aÌ€ reÌ peÌ ter cette expeÌ rience chaque anneÌ e. Il montre une soliditeÌ qui n’eÌ crase pas, une paisible confiance en lui qui surprend chez un si jeune homme. On est aÌ€ cent lieues de ressentir, aÌ€ son contact, de la preÌ tention. Sans doute les amis et la famille l’ont-ils aideÌ dans sa volonteÌ de poursuivre un chemin ardu tout en gardant la teÌ‚te froide.
Et le succeÌ€s est au rendez-vous. « L’aspect lucratif n’est pas l’essentiel. Ce qui compte pour moi, c’est eÌ prouver le plaisir de chanter et surtout celui de chanter pour les autres. C’est le vrai moteur de ma vie. » Le reÌ pertoire du sopraniste est celui des grands airs et des grandes voix. « Je chante surtout des airs du registre classique romantique. Je fuis la musique intellectuelle et –˜surtechnique’. La musique est un art simple qui doit rejoindre les gens de manieÌ€re simple. Je preÌ feÌ€re m’adresser aÌ€ un public large. Je refuse l’eÌ litisme mais je ne cherche pas pour autant la voie facile. »

L’artiste avoue son besoin de transmettre par le chant les valeurs de l’amour, dans un monde ouÌ€ le ressenti profond n’a pas beaucoup de place. « Je suis moi-meÌ‚me quand je chante, explique-t-il. Tout simplement. Je ne cultive pas le jeu d’eÌ‚tre quelqu’un d’autre, meÌ‚me si j’endosse un roÌ‚le. Je prends volontairement de la distance avec une façon de faire l’artiste qui me deÌ personnaliserait. »
« Dans le monde du chant, ce type de chanteur et de chanteuse existe. C’est tentant de jouer les divas, mais je ne le fais pas. Dans le showbiz, on vous entraiÌ‚ne vite aÌ€ vous transformer physiquement, aÌ€ adopter des attitudes ou des paroles standardiseÌ es. Ce qui garantit l’authenticiteÌ de l’artiste, c’est de rester fideÌ€le aÌ€ lui-meÌ‚me. AÌ€ ce titre, avoir une vie priveÌ e eÌ quilibreÌ e est essentiel. Je rejoins la philosophie de vraies personnaliteÌ s comme Maria Callas, Montserrat CaballeÌ , Luciano Pavarotti, Kiri Te Kanawa... Bien suÌ‚r, certains ont connu des exceÌ€s dans leur vie, mais ils eÌ taient sinceÌ€res et authentiques. Ils m’inspirent ».

UNE GAMME D’EÌ MOTIONS.

Avoir une voix atypique, est-ce facile aÌ€ vivre ? « C’est une arme aÌ€ double tranchant, cette voix, reconnaiÌ‚t le jeune chanteur. On vit dans une socieÌ teÌ qui classifie. Voix haute pour les femmes, voix basse pour les hommes. Et moi, je sors de ce scheÌ ma. En meÌ‚me temps, la peÌ riode est propice aux personnes diffeÌ rentes. Sans doute plus qu’autrefois. J’ai un tempeÌ rament fonceur. J’aime ce que je fais et apreÌ€s, chacun peut penser ce qu’il veut. Dans ce meÌ tier, les critiques sont nombreuses. On est toujours trop ceci et pas assez cela. Certains avancent que l’on se prend pour qui l’on n’est pas. Je n’en tiens pas compte. »
« J’ai foi en moi mais sans preÌ tention, poursuit-il. Je garde le cap. En concert, ce qui sauve tout et m’apporte la vraie joie, ce sont les eÌ motions du public. Le reÌ pertoire que je choisis porte des sentiments forts : l’amour dans La Tosca de Puccini, la tromperie dans Les Noces de Figaro, et encore la joie, la tristesse, la haine ou la folie.

Chantal BERHIN

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